Philip Ko : de la Shaw Brothers au nanar


Récemment, je me renseignais un peu sur l'acteur Phillip Ko Fei, et je suis tombé sur des choses assez cocasses. La star de l'illustre The Boxer's Omen de Kuei Chih-hung (1983) et le second rôle à la gueule marquante dans Mercenaries from Hong Kong (Wong Jing, 1982), The 8 Diagram Pole Fighter (Liu Chia-liang, 1984) ou encore Magic Crystal (Wong Jing, 1986) n'a pas eu une carrière linéaire et on peut même dire qu'à un moment elle est devenue déviante. Focus sur cet artiste martial dont on connaît le nom et le visage, mais dont les films qu'on pourrait citer se comptent sur les doigts d'une main !

Déjà, sachez que son nom chinois, Ko Fei (高飛), s'écrit comme Goofy, a.k.a. le Dingo de Mickey chez nous. Ce qui veut dire qu'en cherchant son nom sur Google, je ne trouve que des pages sur le personnage Disney. Ça commence fort !

The Deadly Duo (Chang Cheh, 1971)

Comme une évidence, c'est "dieu" Chang Cheh qui l'a fait débuter. Il a commencé à l'âge de vingt ans dans The Heroic Ones (Les 13 Fils du dragon d'or en français), sorti en 1970. À ses débuts il était figurant, rien à voir avec une carrière à la Ti Lung qui, dès son premier film, avait déjà un petit rôle avec paroles, avant d'être la tête d'affiche dès le métrage suivant. Il a continué comme ça en participant à huit autres films de la Shaw Brothers en deux ans, que du Chang Cheh à part un Chu Yuan peu connu. Il a tout de même participé à des films à succès de l'Ogre de Hong Kong, dont The Deadly Duo, The Boxer from Shantung et The Water Margin. Ne voyant pas sa carrière décoller, il prit le premier vol pour Taïwan afin de la continuer. Son nom réussit assez vite à atteindre le haut de l'affiche et il alterna entre premiers et seconds rôles et, dès 1975, il commença à exercer un deuxième métier, celui de chorégraphe des combats d'arts martiaux et réalisateur de deuxième équipe, chemin qui lui permettra, quelques années plus tard, d'ouvrir la porte des enfers, mais on n'y est pas encore.

Phillip Ko, assis à gauche de Bruce Lee

Entretemps, il revint brièvement à Hong Kong participer à quelques films, encore dans des petits rôles, dont le Enter the Dragon de Robert Clouse (1973), avant d'obtenir le succès à Taïwan et de pouvoir revenir par la grande porte suite à l'appel des producteurs et réalisateurs de la Perle de l'Orient, d'abord chez la Goldig Films, puis chez la Shaw Brothers, là où tout a commencé pour lui et où il confirma son statut, si ce n'est de star, au moins de gueule du cinéma HK.

The Boxer's Omen (Kuei Chih-hung, 1983)

La partie qui nous intéresse le plus dans cet article commence en 1982 lorsque, grisé par ses expériences de chorégraphe à Taïwan, il se lance dans la réalisation à Hong Kong. Il va commencer par un film de gangsters (Dirty Angel, 1982) et un film d'action (The Pier, 1983) produits par la Verdull Ltd., studio ayant produit quelques films au début des années 1980, avant de, quatre ans plus tard, prendre un tournant aventureux. Attention, les cascades qui suivent ont été réalisées par un professionnel, veuillez surtout ne pas les reproduire chez vous.

En 1987, il signe à la IFD Films and Arts Ltd. de Joseph Lai.

Qui est donc ce Joseph Lai ? Parrain du cinéma hongkongais de série B (voire Z) des années 1980, il a même distribué des séries animées cheapouilles réalisées en Corée du Sud. Sa spécialité, c'est l'achat de bandes de films d'arts martiaux produits sans budget, qu'il coupe, recoupe et assemble pour créer de nouveaux films à partir de plusieurs métrages (méthode reprise en partie par Haim Saban dans les années 1990 avec les Power Rangers). Et ce qu'il fait avec les films, il le fait aussi avec les dessins animés ! Et comme si ce n'était pas suffisant, il a également sévi dans la bruceploitation.

Joseph Lai

Pour l'épauler dans les années 1980, Joseph Lai recrute le réalisateur Godfrey Ho (très connu des amateurs de nanars et expert du "deux-en-un", ce mix de rushes de films dont je parle plus haut).

Dans le monde du nanar hongkongais, Joseph Lai était le parrain, Godfrey Ho le roi, mais n'y aurait-il pas la place pour un troisième larron ? Je vous le donne en mille (bon je vous avais un peu spoilé un peu plus haut aussi) : Phillip Ko est cet homme !

Il réalise son premier film pour la fameuse firme (son troisième film personnel) en 1987, sous le titre de Platoon the Warriors. Il commence très fort avec déjà un deux-en-un, qui reprend en grande partie le film philippin Diegong Bayong de Ron Gallardo Pablo, sorti trois ans plus tôt.

Et qui retrouve-t-on au scénario (si tant est qu'il y en ait un) ? Eh oui ! Godfrey Ho ! Phillip est très bien entouré pour le lancement de sa nouvelle carrière, avec le parrain à la production et le roi au scénario.

Il est à noter que ce n'est pas la première rencontre professionnelle entre les deux. Ils se sont déjà croisés en 1971 et en 1972, dans The Deadly Duo de Chang Cheh déjà, dans lequel Phillip Ko joue un figurant sur un radeau, et dans lequel, surtout, Godfrey Ho fait ses débuts professionnels en tant qu'assistant réalisateur. Puis ça sera pareil dans trois autres films de l'Ogre. Quand je dis que Chang Cheh est la pierre angulaire du cinéma hongkongais, je ne rigole pas !

On arrive enfin à l'apogée de la carrière de Phillip Ko, là où je voulais en venir en commençant cet article : ces nanars qu'il a réalisés pour IFD, tous produits en anglais pour une sortie directement en vidéo en occident avec, dans les scènes filmées pour l'occasion, des acteurs anglophones, mais aussi ses autres réalisations, qui ont des titres dingues qui donnent tellement envie de les voir.

En voici un florilège, pas tous chez IFD, qui a arrêté la production en 1991.

On commence par les séries de films chez IFD :

  • Le diptyque Official Exterminator 2 et 3 (Heaven's Hell et Joy for Living Dead, 1987)
  • La trilogie American Force (The Brave Platoon, The Untouchable Glory et High Sky Mission, 1987)
  • Le diptyque American Commando (Angel's Blood Mission et Hunting Express, 1987)
  • La trilogie War City (Die to Win, Red Heat Conspiracy et The Extreme Project, 1988)
Et là on arrive aux titres vraiment accrocheurs. On sort ici du deux-en-un pour de véritables réalisations (ça n'en fait pas de meilleurs films). Il en a même produits certains :
  • Ultracop 2000 (1992)
  • Guns & Roses (1993)
  • Power Connection (1995)
  • Techno Warriors (1997)
  • Digital Warriors (1999)
  • Love & Sex in Sung Dynasty (1999)
  • Burning with Desire (1999)
  • Royal Sperm (1999)
  • Internet Mirage (1999)
  • Millenium Dragon (1999)
  • Supercop.com (2000)
  • Payment in Blood (2000)
  • Exfernal Affairs (2001)
  • Soccer Clan (2003)
  • Majong King (2003)
Ces films sont sûrement très nuls (c'est même certain), mais leurs titres donnent tellement envie. Je veux voir Royal Sperm et Exfernal Affairs !

Voici quand même quelques affiches et les synopsis quand j'ai réussi à les trouver :

Digital Warriors (1999)


En 2008, trois policiers d'une brigade spéciale du Web ont découvert qu'un syndicat du crime était basé à Manille. Et je n'ai pas compris la suite de la traduction du synopsis chinois...

Royal Sperm (1999)


Une dynastie au sommet d'une montagne est en danger. Pour protéger leurs biens, le roi ordonne à ses sujets de stocker leur semence et tous leurs trésors dans un iceberg (??) De nombreuses années plus tard, un archéologue a vent de cette légende et part à la recherche de l'emplacement de tous ces trésors. Il combat un groupe de bandits qui veut absolument mettre la main sur le sperme royal.

Internet Mirage (1999)


Un homme d'affaires très occupé par son boulot ne s'entend pas avec sa femme qui lui refuse les relations sexuelles. Il découvre qu'il existe un programme informatique qui simule le monde réel. Il choisit la femme virtuelle qui l'intéresse et, grâce à des lunettes de VR, peut vivre la relation amoureuse (et sexuelle ?) qui convient à son agenda de ministre. Et Phillip Ko inventa le metaverse.

Supercop.com (2000)


Mettant en scène Anthony Wong (ce qui fait automatiquement de ce film un chef d'œuvre), Supercop.com suit une policière hongkongaise qui part se former pendant trois mois en Corée du Sud. Le père de l'une de ses collègues, qui tient une imprimerie, est assassiné par des gangsters qui l'ont forcé à produire de faux billets. Elle apprend que le meurtrier a un tatouage de tigre des montagnes sur la main et va réussir à retrouver sa trâce grâce à des données informatiques.

Exfernal Affairs (2001)


Ce film, qui pouvait laisser croire qu'il s'agissait d'un rip-off du film d'Andrew Lau et Alan Mak, est sorti plus d'un an avant Infernal Affairs, mes espoirs s'effondrent. Mais la théorie selon laquelle ce seraient les deux réalisateurs qui auraient puisé leur inspiration dans le film de Phillip Ko prend désormais de l'épaisseur. Je n'ai malheureusement pas réussi à trouver de synopsis.

Soccer Clan (2003)


Sûrement un rip-off de Shaolin Soccer, mais je n'ai encore une fois trouvé aucun synopsis.

Majong King (2003)


Un champion de mah-jong a été trahi par un de ses amis qui l'a piégé lors d'une compétition afin de remporter la victoire. Suite à cet événement traumatisant, il perd la mémoire mais un vieil homme le prend sous son aile. Il va s'installer avec lui en maison de retraite. Pendant ce temps, l'ami de notre héros, croyant ce dernier mort, saisit tous ses biens et devient riche. Notre champion devient justicier et punit les méchants la nuit, tandis que le jour, il profite de son séjour en maison de retraite pour libérer tous les petits vieux de leur addiction au jeu grâce aux arts martiaux. Il retrouve petit à petit la mémoire et son ami, apprenant qu'il est toujours en vie, fait appel à un tueur à gages pour l'éliminer.

Il réalisa au total cinquante-deux films comme ça (en plus de ses deux premières réalisations), jusqu'en 2003.

Phillip Ko nous quitta en 2017, à l'âge de 67 ans. Il mériterait sa place dans le panthéon du cinéma hongkongais, espérons que cet article permette de le mettre au rang auquel il devrait être.

Et je finis avec cette photo de Phillip car je l'y trouve vraiment beau gosse.



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